L’histoire d’un mythe : LE BLUE JEAN …

Au printemps 1853, le jeune Levi Strauss, petit colporteur juif de New-York, originaire de Bavière et âgé de 24 ans, arrive à San Francisco. Depuis 1849, la fièvre de l’or découvert dans la Sierra Nevada provoque un accroissement de la population considérable. Il apporte avec lui une grande quantité de toile de tente et de bâches pour chariots. Ses ventes sont médiocres. Un pionnier lui explique  que les chercheurs d’or ont plus besoin de pantalons solides et fonctionnels que de toiles de tente. Il décide alors de tailler des pantalons dans ses bâches. Le succès est immédiat et le petit colporteur devient confectionneur de prêt-à-porter et industriel du textile.

Il fonde avec son beau-frère une société qui ne cesse de croître au fil des années.Bien qu’elle diversifie sa production, ce sont les salopettes (overalls) et les pantalons qui se vendent le mieux. Ceux-ci ne sont pas encore bleu mais de différents tons s’inscrivant entre le blanc cassé et le brun foncé. Mais la toile de tente, si elle est très solide, constitue un tissu vraiment lourd, rêche et difficile à travailler.

Entre 1860 et 1865, Levi Strauss a donc l’idée de remplacer progressivement par du denim, tissu de serge importé d’Europe et teint à l’indigo. Le jean bleu est né…

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L’origine de ce terme anglais denim est controversée. Il est possible qu’il s’agisse au départ d’une contraction de l’expression française  » serge de Nîmes « , étoffe de laine et de déchets de soie fabriquée dans cette région depuis le 17ème siècle. Mais ce terme désigne aussi, à partir de la fin du siècle suivant, un tissu associant le lin et le coton, produit dans tout le Bas-Languedoc et exporté vers l’Angleterre.

En outre, un beau drap de laine, produit sur les bords de la Méditerranée porte le nom occitan de nim. Il est peut-être, lui aussi, à l’origine du mot denim…

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Au début du 19ème siècle, en Angleterre et aux Etats-Unis, le denim est un tissu de coton très solide, teint à l’indigo. Il sert à fabriquer les vêtements des mineurs, des ouvriers et des esclaves noirs. Et c’est donc ce tissu qui progressivement remplace le jean, étoffe dont Levi Strauss se servait jusque-là pour tailler ses pantalons et ses salopettes.

Ce mot jean correspond à la trancription phonétique du terme italo-anglais geneose, signifiant  » de Gênes « . La toile dont se servait le jeune Levi Strauss appartenait à une famille de tissu autrefois originaires de Gênes et de sa région (mélange de laine et de lin puis de lin et de coton). Ces tissus servaient à fabriquer depuis le 16ème siècle, des voiles de navire, des pantalons de marins, des toiles de tente et des bâches de toutes sortes…

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A San Francisco, le pantalon Levi Strauss prend le nom de son matériau : jean. Lorsque quelques années plus tard le matériau changea, le nom resta. Les jeans furent désormais taillés dans du denim et nom plus dans la toile de Gênes.

En 1872, Levi Strauss s’associa avec un tailleur , Jacob W Davis, qui 2 ans plus tôt avait imaginé de confectionner des pantalons pour bûcherons ayant sur l’arrière des poches fixées au moyen de rivets. Les jeans Levi Strauss eurent désormais des rivets.

Bien que l’expression commerciale blue jeans ne fasse son apparition qu’en 1920, les jeans de 1870 étaient tous de couleur bleue. Le coton denim était teint à l’indigo. Il était trop épais pour absorber totalement et définitivement la matière colorante, si bien qu’il ne pouvait être garanti  » grand teint « . Mais c’est justement cette instabilité de la teinture qui fit son succès ; la couleur apparaissait comme une matière vivante, évoluant en même temps que le porteur du pantalon ou de la salopette.

Quelques décennies plus tard, lorsque les progrés de la chimie des colorants permirent de teindre à l’indigo n’importe quelle étoffe de manière solide et uniforme, les firmes productrices de jeans durent blanchir ou décolorer artificiellement leurs pantalons bleus afin de retrouver la tonalité indigo délavé des origines…

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A partir de 1890, la patente juridico-commerciale qui protégeait les jeans de la firme Levi Strauss prit fin. Des marques concurrents virent le jour et proposèrent elles aussi des pantalons taillés dans un tissu moins épais et vendu moins cher. La firme Lee, créée en 1911, eut l’idée de remplacer les boutons de braguette par une fermeture éclair en 1926. Mais c’est Wrangler qui à partir de 1919 fit le plus de concurrence à Levi Strauss. Par réaction, la puissante firme de San Francisco créa le  » Levi’s 501 « , taillé dans un coton denim double et gardant fidèlement les rivets et les boutons métalliques. En 1936, pour éviter toute confusion avec les marques concurrentes, une petite étiquette rouge portant le nom de la marque et cousue le long de la poche arrière droite, fit son apparition sur tous les authentiques jeans Levi Strauss. C’était la première fois qu’un nom de marque s’affichait de manière ostensible sur la partie extérieure d’un vêtement…

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Entre-temps, le jean avait cessé d’être seulement un vêtement de travail. C’était devenu aussi un vêtement de loisir et de vacances, notamment pour la riche société de l’est des Etats-Unis venant passer son temps libre à l’ouest en y jouant aux cow boys et aux pionniers.

En 1935, la luxueuse revue Vogue accueille sa première publicité pour ces jeans  » bon genre « . Sur certains campus, le jean est adopté par les étudiants. Le jean devient un vêtement de jeunes et de citadins, un peu plus tard, un vêtement de femme.

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Après la Seconde Guerre mondiale, sa vogue touche l’Europe occidentale. On s’approvisionne d’abord dans les stocks américains, puis les fabriquants viennet installer directement leurs usines de production en Europe.

Entre 1950 et 1975, toute la jeunesse se met progressivement à porter des jeans. Les sociologues voient dans ce phénomène un authentique fait de société, un vêtement androgyne, un emblème de la contestation ou de la révolte de la jeunesse. En fait, celle-ci n’a jamais eu le monopole du jean. C’est du reste en partie pour cette raison qu’à partir des années 80, beaucoup de jeunes commencent à se détourner du jean au profit de vêtements de coupes différents, taillés dans d’autres tissus, de textures et de couleurs plus variées.

Sur les jeans, en effet, malgré des tentatives faites dans les années 60 pour diversifier les couleurs, le bleu et ses différentes nuances restent (encore aujourd’hui) nettement dominants.

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Alors qu’en Europe occidentale le port du jean est en recul ( le fin du fin étant de ne plus jamais en porter ), celui-ci devient dans les pays communistes, les pays en voie de développement et aussi dans les pays musulmans, un vêtement contestataire, une ouverture vers l’Occident, ses libertés, ses modes, ses codes, ses systèmes de valeur.

Le mythique pantalon de coton bleu, produit du capitalisme américain dans ce qu’il a de plus audacieux et de plus pervers, a sans doute encore de beaux jours devant lui…( Michel PASTOUREAU, les couleurs de notre temps, éditions Bonneton)

 

Et vous, dites- moi : comment aimez-vous votre jean ???

En mettez-vous partout ? Du sol au plafond ?

Est-ce aussi pour vous le vêtement de base, que vous attrapez dans le placard et qui va avec TOUT ???

Allez, crachez le morceau : combien de jean dans le placard ????